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Olivier Clément
Olivier Clément
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« Olivier Clément était l’une des principales figures de la théologie orthodoxe dans la France du XXe siècle en même temps qu’un travailleur acharné de l’œcuménisme. Il était à la fois historien et théologien, penseur et homme d’action, toujours en quête de dialogue et d’approfondissement, passionné notamment de spiritualité orientale. Olivier Clément eut un itinéraire exceptionnel et sans doute sans équivalent en Europe occidentale. » Ainsi était libellée une dépêche de l’AFP le 17 janvier 2009 lorsque Olivier Clément décédait.
Il est particulièrement difficile de dissocier la biographie événementielle de Clément de son parcours spirituel. Quelques points de repère sur son parcours:
Né en 1921, près des Cévennes, il se définit lui-même comme un languedocien descendant des Camisards, dans une ambiance familiale athée, en tout cas foncièrement et évidemment anticléricale, militante et socialiste. Clément, qui à ce moment est encore Maurice et non pas Olivier – il n’est pas baptisé – ne reçoit aucune instruction religieuse. Son environnement est marqué par le « paganisme et l'athéisme militant socialiste », où la mort n'est que le néant, Dieu une invention des hommes et Jésus un mythe. Très tôt, il fait l'expérience de ce que la mystique chrétienne appelle les « ténèbres », l'angoisse de l'homme devant le mystère de Dieu et de l'existence.
O.Clément a fait des études d'histoire. Maîtrise sur Pierre le vénérable, abbé de Cluny. Élevé d'Alphonse Dupront, un des fondateurs de l'anthropologie religieuse, avec qui il collaborera dans la Résistance durant les années de guerre.
Agrégé de l'Université (1943), il enseigne longtemps à Paris au Lycée Louis-Le-Grand et reçut de l'État français l'Ordre National du Mérite.
Après une longue recherche dans les diverses formes d’athéismes puis les spiritualités asiatiques, les études d’histoire le conduiront rapidement à s’imprégner de cette formule synthétique de l’historien de la philosophie Alexandre Koyré : « L’histoire de la pensée est inséparable de l’histoire de la spiritualité » , affirmation à l’opposé de toute lecture matérialiste ou marxiste.
Sa première rencontre, selon son propre témoignage est – dans sa tête – la rencontre avec l’Inde, ce qui lui donnera par la suite une autorité importante pour dire, sans aucun rejet (il n’y aura jamais de rejet chez lui), ce qui distingue fondamentalement le christianisme de cet Orient non chrétien : « communion » et non « fusion ». Le passage par l’Inde l’aidera précisément dans son adhésion à la « Trinité ». Baptisé à trente ans – baptisé et non converti du catholicisme ou de toute autre confession – il est un cas de figure rare en France : grâce à cette particularité Olivier Clément aura un cheminement dans la foi chrétienne libre de tout ressentiment, de tout réflexe réactionnel, comme c’est souvent le cas précisément avec ceux que nous appelons d’une manière impropre les « convertis ». Lui-même parle de sa conversion, mais il s’agit d’une conversion fondamentale : la conversion au Christ. Il ne fuit pas un autre christianisme, il vient au Christ, aspiré par la Source de Vie, réponse à l’absurde et au néant. Cette destinée, car c’en est une, fera de lui un ardent acteur et un militant du rapprochement de la réconciliation entre l’Orient et l’Occident chrétiens.
Il fait la rencontre de sa vie avec les théologiens et laïcs chrétiens issus de l'émigration russe (Vladimir Lossky, Paul Evokimov), et fait ainsi son entrée dans un autre univers fascinant, celui de la mystique orthodoxe. Dans La Théologie de l'Église d'Orient de Lossky, Olivier Clément découvre le mystère de la Sainte Trinité, tout ce qu'il avait jusqu'ici cherché, à la fois la singularité de la personne humaine et la profusion de la grâce et de la transcendance divine.
Sa conversion à l'orthodoxie sera, en définitive, le fruit de ses lectures répétées de Dostoïevski et de Berdiaev, de sa prière au pied d'une icône trouvée chez un antiquaire à Paris, réunissant dans un triptyque Jésus, Marie et Jean-Baptiste. Un événement qu'il traduit ainsi : « À un moment donné, Dieu est venu me chercher et je L'ai suivi. J'ai mis entre parenthèses tout ce que je savais sur les religions. Je Lui ai fait confiance. » Il est baptisé à l'âge de 30 ans (en 1941). Sa relation avec Vladimir Lossky, disciple du philosophe Étienne Gilson, devient celle du maître et du disciple.
Après sa conversion, il suit les cours de théologie organisée par le patriarcat de Moscou et dans lesquels enseignaient Vladimir Lossky et le père Sophrony (Sakharov), fils spirituel du starets Silouane . Après la mort prématurée de Vladimir Lossky, il édite plusieurs œuvre restées manuscrites de celui-ci.
Il enseigne la théologie morale et l'histoire de l'église à l'Institut Saint-Serge à Paris, enseigne à l'Institut Supérieur d'études œcuméniques, dirige aux éditions Desclée de Brouwer la collection « Théophanie » qui a publié des ouvrages consacrés à l'orthodoxie.
Ami du père Dumitru Staniloë, il a édité deux de ses livres traduits en français. Il est secrétaire de rédaction de la revue orthodoxe de langue française « Contacts ». Docteur en théologie de l’Institut Saint-Serge à Paris, il est aussi docteur « Honoris Causa » de l'Institut de théologie de Bucarest et de l'Université catholique de Louvain.
À l'époque soviétique, Olivier a milité avec Pierre Emmanuel en faveur des chrétiens de Russie. Dans les années 60, il a suscité ainsi à Paris la formation d'un comité « pour faire la lumière sur la situation des chrétiens en URSS ».
De 1976 à 1994 il préside l'Association des Écrivains Croyants qui groupe des écrivains chrétiens (de toute confessions), juifs et musulmans.
Cofondateur de la « Fraternité orthodoxe en France et en Europe occidentale », il en sera le « père spirituel ».
Il a collaboré avec les patriarches de Constantinople Athénagoras et Bartholomé pour l'élaboration de « Dialogues » et reçut à cette occasion le titre de Grand Archonte du Patriarcat œcuménique et la croix de Saint-Pierre-et-Saint-Paul du Patriarcat d'Antioche.
Grâce à Olivier Clément, l'orthodoxie trouve une place dans l'intelligentsia française. Il est l'ami des poètes (Pierre Emmanuel entre autres).
Olivier Clément : poète de la beauté divine (un film de Jivko Paneev et Tatiana Rakhmanova)
Auteur d'une trentaine d'ouvrages, à la fois poétiques, spirituels, historiques, écrits dans une langue souvent lyrique, Olivier Clément s'impose progressivement comme la voix de l'orthodoxie, une voix qui retentira bien au-delà de la France. Jean-François Colosimo, lui aussi professeur à Saint-Serge, le définira comme « l'homme qui a réussi à faire passer l'orthodoxie orientale en France et le message de l'Occident dans les Églises d'Orient ».
Au Proche-Orient, il est aussi l'ami du patriarche d'Antioche, Ignace (Hazim), qui dialogue avec l'islam et les autres Églises, et de nombreux intellectuels orientaux. Il jouit d'un grand prestige aussi dans l'Église roumaine, sous le joug de la dictature, puis libérée, attirée, en raison de sa part de culture latine, par une orthodoxie moderne. Olivier Clément est le porte-parole d'une orthodoxie ouverte au monde et au dialogue œcuménique. Dialogue avec Rome d'abord. Il entretient de bonnes relations avec Paul VI, puis Jean-Paul II. A la demande de ce dernier, il rédige en 1998 le « chemin de croix » lu par le pape le Vendredi Saint. En 1999, il reçoit le prix œcuménique Saint-Nicolas, décerné par l'Institut de théologie Gréco-byzantine, à Bari (Italie).
Pour ses 80 ans en 2001, il a reçu le prix Logos-Eikon attribué par le centre Aletti de Rome, pour l'ensemble de son œuvre. Il a reçu en même temps, à la nonciature de Paris, le doctorat honoris causa de l'Université du Sacré-Cœur (Connecticut USA)
On ne trouvera aucun observateur à la fois aussi critique envers les scléroses de l'orthodoxie et aussi émerveillé par les trésors de son patrimoine liturgique, sa tradition ascétique et monastique. Dans un article publié dans Le Monde en 1993 et resté célèbre, il est l'un des premiers à dénoncer la dérive populiste et nationaliste de l'Église orthodoxe de Russie après la dislocation de l'empire soviétique. De même, après le démantèlement de la Yougoslavie, se montre-t-il sévère avec ses coreligionnaires engagés dans les guerres des Balkans - guerre entre la Serbie orthodoxe et la Croatie catholique, guerres de Bosnie, plus tard du Kosovo.
Plus qu'aucun autre, il aura eu conscience des dérives nationalistes engendrées par le lien historique et théologique entre religion et nation, en Russie, en Grèce, en Serbie... Il laissera le souvenir d'un homme qui aura plaidé pour une conception libre de l'orthodoxie dans un monde pluriel et libre. Il savait que, dans les volutes d'encens de ses églises, sous l'or de ses coupoles et de ses iconostases, elle risque de devenir une religion de musée. Mais il eut en permanence avec l'orthodoxie une relation de tendresse exigeante, toujours lucide.
Olivier Clément est décédé le 15 janvier 2009 chez lui à Paris, l'office des funérailles a été célébré à l'église de l'Institut Saint-Serge. Il a été inhumé dans le cimetière de Marsillargues. (Hérault)